Geneviève, 75 ans, enseignante retraitée
Quel a été votre parcours ?
J’ai fait des études techniques, mais estimant important d’avoir une formation universitaire j’ai embrassé des études juridiques master 2 de droit à Paris. J’aurais pu continuer pour enseigner le droit à l’université. J’enseignais déjà auprès d’étudiants et, ainsi préférais-je assurer mon enseignement en dehors de la Fac .
Vous avez fait tout votre parcours dans l’Education Nationale ?
Oui, j’ai travaillé 41 ans et 9 mois pour l’Education Nationale. J’avais des étudiants considérés préparant un BTS et j’ai enseigné plutôt le droit social.
Quel conseil pouvez-vous transmettre aux jeunes qui veulent devenir professeur ou instituteur ?
Je dirais aux jeunes qui veulent rentrer dans l’Education Nationale qu’il faut être très motivé. Dans le secondaire ce n’est pas toujours facile, ce sont des adolescents et des pré-adolescents. Mais je pense qu’on peut transmettre sa motivation aux élèves dans la discipline qu’on enseigne. Il faut respecter les élèves et il faut se faire respecter également. Dans le cas des post-bac c’est différent, les étudiants sont motivés pour rentrer dans un parcours professionnel, il n’y a pas de problème de discipline.
Que pensez-vous de l’évolution de la femme aujourd’hui ?
J’ai vécu l’époque de Simone Veil, j’étais déjà adulte. Simone Veil a lutté pour permettre l’interruption volontaire de grossesse. je pense qu’il y a des femmes en détresse qui n’ont pas d’autre moyen, il ne faut pas penser que ce sont des dévergondées qui pratiquent l’IVG ; il y en a eu bien sûr, car c’était juste après la libération sexuelle de mai 68, mais sinon c’était souvent des femmes qui avaient déjà des enfants. Autre évolution : le travail de la femme. Il ne faut pas oublier que pendant la guerre certaines femmes ont joué un rôle important dans la résistance. Et puis il y a eu l’urbanisation, c’est-à-dire que les gens quittaient la campagne pour venir à la ville, et le salaire de l’homme ne suffisant pas, les femmes se sont mises à travailler. Les conditions de vie se sont améliorées, mais les besoins sont devenus plus importants aussi : avant on vivait en autarcie à la campagne, moi j’ai vu ça en milieu rural puis , l’homme travaillait à l’usine et la femme s’occupait de deux ou trois vaches, maintenant ça a disparu.
Les femmes étaient-elles plus libres qu’aujourd’hui ?
En milieu ouvrier à l’époque c’était la femme qui tenait les cordons de la bourse, elle avait un certain pouvoir par rapport à ça. Mais c’était quand même le mari qui gérait la maison, surtout dans les milieux très bourgeois, la femme n’avait aucune liberté. Maintenant elle a plus de liberté, et en même temps dans les familles mono-parentales c’est encore souvent la femme qui garde les enfants. En revanche dans les jeunes couples de cadres, on voit davantage le père ou le mari participer à la vie de la famille. La liberté est relative, on a l’impression que la femme a plus de liberté aujourd’hui, mais elle a peut-être aussi pas mal de contraintes — c’est mon impression.
Sommes-nous vraiment libres aujourd’hui ?
D’une façon générale chacun est libre de penser ce qu’il veut, mais sur le plan économique je pense que nous sommes pas vraiment libres. Les jeunes sont assez libres, mais ils auront le souci de leur emploi, le souci du quotidien, et cette instabilité me gêne.
Qui est Geneviève aujourd’hui ?
Je suis bénévole dans plusieurs associations et j’ai créé avec des amies une association qui s’appelle Association Européenne de Promotion des Droits et de Soutien des Personnes en Situation de Fragilité (AEPDSPSF), nous avons un site en français et un site en anglais : aepdspsf.fr
D’où vous est venue l’idée de travailler comme bénévole et d’aider votre prochain ?
Parce que j’étais coordinatrice d’une commission internationale, j’avais un réseau assez important. A ma retraite, ne pouvant plus intervenir tellement sur le plan de l’association professionnelle, j’ai pensé avec mes collègues créer une association européenne. Européenne parce que ça permet de confronter nos idées et d’essayer d’intervenir au niveau du Parlement Européen. Nous intervenons pour aider les Usagers sur le plan administratif, psychologique et social. On a une journée le 24 novembre qui va porter sur la protection de l’enfance, où on va faire venir des experts français et étrangers et d’autres associations françaises et européennes.
Avez-vous vécu un choc émotionnel pour vouloir faire du bénévolat ?
Non, c’était juste un parcours de réflexion.
Quel est la place de la musique dans votre vie ?
J’aime bien la musique classique des 18ème et 19ème siècles : Mozart, Beethoven et d’autres. Avec les jeunes, j’essaye de me maintenir et d’être un peu au courant de ce qui se fait… mais je reconnais qu’avec le rap j’ai du mal ! De mon côté je fais écouter Leo Ferré ou George Brassens à mes enfants de coeur ; ce sont les poètes de mon époque, ils sont en phase avec la réalité de la vie.
Que pensez-vous de tous ces réseaux sociaux et d’internet ?
Comme tout le monde, j’ai Facebook et Twitter. Je pense que ça peut créer du lien, mais ça peut créer de l’isolement aussi. En 1995 quand j’ai eu internet j’ai trouvé Google formidable : j’aime beaucoup la peinture, et grâce à internet j’ai vu une exposition japonaise qui était à San Francisco, c’était génial ! Je pense qu’internet rend service mais il faut savoir l’utiliser. Pour les jeunes, ce que je ne voudrais pas c’est qu’ils se plongent uniquement dans leur chambre avec des liens de ce genre, immatériels et virtuels, qui n’existent pas. Il faut savoir utiliser la technologie moderne à bon escient. Par exemple, Skype est formidable pour les personnes qui veulent converser avec leurs enfants à l’étranger.
Aujourd’hui dans notre société de consommation, les jeunes comme les adultes ont du mal à être en couple, l’avez-vous constaté dans vos activités ?
J’ai une amie qui est médecin scolaire, elle me dit que pour les filles comme les garçons aujourd’hui, dès l’âge de 14-15 ans, c’est à celui ou celle qui a le plus de conquêtes et d’expériences possibles. Mais je me dis, est-ce que c’est si bon que ça de séparer la vie sexuelle de la vie affective ? Quels souvenirs vont-ils en avoir, par la suite, seront-ils capables d’avoir une vie affective durable ? C’est une question que je me pose, je n’ai pas de réponse, il faudrait interroger des jeunes.
Tant qu’il n’y a pas d’enfant, ils engagent qu’eux-mêmes. Après quand il y a des enfants, on peut très bien divorcer, se remarier et avoir une famille recomposée, mais il faut une stabilité.
Je connais quelqu’un qui fréquente une femme qui a eu 4 enfants de 4 pères différents ; alors d’accord c’est un milieu très défavorisé, mais les 4 enfants étaient à l’ASE (l’aide sociale en France), pas élevés par les parents, ça dit quelque chose ça. Que représente l’enfant ? L’enfant c’est un acte d’amour normalement, on n’élève pas un enfant pour soi mais pour lui. Alors d’accord c’est un extrême. Je pense que chez les cadres, les gens d’un certain niveau d’études, ça ce passe mieux : d’abord ils n’ont pas d’enfant toute suite, ils ont des enfants de plus en plus tard et après c’est plus compliqué de les avoir, mais quand ils ont des enfants ils ont vraiment envie de les élever, et même si ils doivent se séparer, il y a une garde alternée.
Selon vous, quel est le secret de la longévité du couple ?
C’est d’évoluer de la même façon ; s’il évolue dans une voie différente, ça ne va pas durer. Il faut avoir une certaine idéologie commune. Il faut un atome commun : ça peut être la famille, ça peut être la politique, la religion, une forme de loisir, un sport… il faut un hobby commun, je pense que c’est important.