Axel, 18 ans, 1,95m. Etudiant en sport-études de basket aux Etats-Unis (Etat de New York)
Avez-vous choisi le basket par rapport à votre taille ou pour une autre raison ? Vous auriez pu aussi vous diriger vers le volley-ball…
C’est mon père qui m’a inscrit au basket assez jeune et j’ai été passionné très rapidement, j’ai donc décidé de continuer et aujourd’hui je ne me vois pas faire autre chose.
Le volley est un bon choix pour les personnes de grande taille mais je préfère le basket.
A part votre père, quels sont les joueurs qui vous ont influencé?
Non, c’est surtout mon père, j’ai mon oncle Dikembe Mutombo assez loin, donc je n’ai jamais abordé le sujet du basket avec lui, c’est vraiment mon père qui pratique lui-même qui m’a amené à faire du basket et j’ai apprécié. On peut dire que c’est un sport familial.
Pourquoi les Etats-Unis et pas la France?
Premièrement, aux Etats-Unis il y a la NBA et c’est mon rêve ! Deuxièmement, très jeune on m’a dit que j’avais un style de jeu qui correspondait plus aux Etats-Unis qu’à la France, ce que j’ai pu moi-même constater.
A quel poste jouez-vous?
Je suis meneur de jeu, pour ma taille c’est un avantage.
C’était les petits qui jouaient à ce poste à l’époque…
Oui avant c’était surtout des petits, mais le basket est en train d’évoluer et maintenant on peut trouver des meneurs de 2 mètres, ça varie car c’est surtout par rapport aux skills (compétences) des joueurs.
Depuis combien de temps jouez-vous aux Etats-Unis ?
La première fois que je suis allé au Etats-Unis avec une bourse d’étude, j’avais 14 ans, c’était en 2016. J’ai fait 2 ans dans le Bronx dans une école qui s’appelle OSL (Our Saviour Lutheran school) et ça s’est bien passé. Puis j’ai dû rentrer en France pendant 1 an à cause de blessures. Durant cette année en France j’ai joué à Charenton. Après j’ai rejoint mon frère aux Etats-Unis dans son école à Troy, New-York. Ça s’est très bien passé également.
A quel niveau avez-vous joué lorsque vous étiez à Charenton ?
J’étais en U18 France Elite qui correspond au plus haut niveau dans ma catégorie en France.
Souhaitez vous jouer pour l’équipe de France si l’occasion se présente?
Sincèrement je pourrais être intéressé pour jouer en équipe de France, mais je souhaite plutôt intégrer un jour l’équipe du Congo, je trouve que c’est mieux pour moi et pour mon histoire… tout en évoluant toujours en NBA, c’est mon objectif. J’aime le style de vie aux Etats-Unis, mais je préfère représenter ma patrie africaine. C’est important pour moi. Je pourrais représenter la RDC pour les JO par exemple. Ce serait énorme.
Qu’avez-vous ressenti la première fois que vous êtes allé aux Etats-Unis sans vos parents ?
J’avais du mal à réaliser que j’y étais car pour moi c’était tellement loin, tellement inaccessible, tellement un autre monde que je trouvais cela incroyable. Mais finalement, on s’habitue assez rapidement et même si c’est un autre pays, un autre continent, les personnes ne sont pas si différentes, ça reste des êtres humains, je me suis facilement fait ma place.
Avez-vous eu peur de la solitude sans vos parents à vos côtés ? 14 ans c’est très jeune, c’est le début de l’adolescence…
Dans ma tête je n’avais pas cette pression là car ma première année s’est très bien déroulée. Forcément, il y a du manque qui se crée et c’est plus vers le milieu de l’année lorsque la routine s’est installée que ma famille a commencé à me manquer. Mais au début, je ne ressentais pas le manque familial.
Quel a été l’accueil des lycéens américains lorsque vous êtes arrivé ?
Moi j’étais content, c’était la première fois que je voyais des Américains. De leur côté, c’était la première fois qu’ils voyaient un français, ils ne s’imaginaient pas rencontrer un Français noir, ils étaient assez étonnés, mais ils m’ont très bien accueilli, je n’ai pas eu d’altercation, j’ai vraiment été bien traité. Après, on est là pour le basket. Quand tu aides ton équipe à gagner, forcement ça facilite les rapports.
Quel était votre niveau par rapport aux autres au moment de votre arrivée ? Étaient-ils supérieurs ? Inférieurs?
J’avais un niveau supérieur c’est-à-dire que j’étais en avance par rapport aux jeunes de mon âge ce qui m’a permis de gagner le titre de MVP Most Valuable Player à la fin de l’année. Mais en voyant les plus âgés, j’ai pu constater l’écart de niveau, je me suis rendu compte que c’était plus physique, plus athlétique.
A quel moment vient-on vous repérer, vous recruter ?
Je suis encore au lycée et dès la première année on peut avoir des offres de bourse universitaire, on peut donc être recruté dès la 2nde. Les universités viennent nous voir jouer, discutent avec nous, prennent des nouvelles des joueurs, en gros elles essaient de nous amadouer pour que l’on rejoigne leurs universités… ça commence très tôt.
Quelle est leur méthode pour vous amadouer ? Y a-t-il des promesses, des financements, des cadeaux, des marques … ?
Un exemple simple : Le coach universitaire vient voir notre coach pendant un entrainement pour lui faire savoir qu’il est intéressé par un joueur, puis il demande l’autorisation de lui parler, car il faut toujours qu’il demande la permission. Il n’y a ni cadeaux, ni argent. C’est interdit. Mais ils te flattent et te promettent une belle vie à la fac. Ils sont là pour vendre leur programme… ce sont des choses qu’il faut comprendre rapidement sinon, on peut s’engager dans une université et finalement se rendre compte qu’on était pas si spécial que ça et que le coach voulait uniquement compléter ses effectifs. C’est à peu près leur technique d’approche.
Quelle est la différence entre les entrainements aux Etats-Unis et les entrainements en France ? Combien d’heure d’entrainement avez-vous par jour ?
Là-bas on s’entraîne tous les jours, du lundi au vendredi, contrairement à la France. Le samedi et le dimanche, soit on se repose, soit on fait du travail individuel, on est vraiment focus sur le basket.
L’entrainement dure environ 2h30, ça peut monter à 3h… il y a aussi parfois des matchs du coup ça peut varier, mais nous avons en moyenne 2h30 d’entrainement journalier.
Père d’Axel : Par exemple, aux US ils jouent pour une école, et en France on joue pour un club cela donne une approche complètement différente. En France, il n’y a aucun rapport entre l’école et le club, là-bas, on joue pour le club cela signifie qu’on peut etre mis sur la touche parce que nous avons eu des mauvaises notes. En réalité, il n’y a pas de club aux Etats-Unis, on joue uniquement pour une école qui a une équipe de sport. Par conséquent, dans les tribunes, on peut voir ton professeur de mathématique avec son mari et ses enfants, et cela change les rapports professeurs/élèves. Ça peut être l’agent qui nettoie avec sa famille, donc tout le monde vient supporter l’école, cela donne une ambiance très familiale.
Quel rapport avez-vous avec vos fans, vos supporters ?
J’aime les gens. J’aime partager. Cela fait partie de mon éducation. Accorder du temps aux personnes qui vous témoignent leur soutien c’est la moindre des choses. Encore plus quand c’est des petits. Je sais d’où je viens, je reste moi-même. Je reste ouvert à tous car nous sommes tous fan de quelqu’un et personne n’aime se faire rembarrer.
Percevez-vous déjà un salaire ? Des sponsors ?
Non, pas de salaire ni de sponsors, nous n’avons pas non plus le droit d’avoir un agent.
Qu’avez-vous ressenti la première fois que vous avez gagné un match ? Quel est votre plus grand score ?
Je ne sais plus exactement, mais cette année, j’ai déjà marqué 32 points, et je tourne en moyenne aux alentours des 20 points par match. Les 32 points, c’est une performance qui était au-dessus de ma moyenne habituelle, de plus c’était un match difficile car nous étions en train de perdre, et lorsque j’ai mis le pied sur l’accélérateur, mon équipe a suivi, il y avait une très bonne énergie dans la salle. A la fin du match je me sentais vraiment bien, tout le monde me félicitait. Je me disais qu’en plus d’être aux Etats-Unis, je joue très bien, je réussi à produire, car tout le monde n’y arrive pas… Je me sentais fière de moi. Ça me fait vraiment plaisir !
Vous fixez-vous un objectif avant d’entrer sur le terrain pendant un match ? (sur le nombre de passes, de points ?
Non, je ne me donne pas d’objectifs parce que si je me donne un objectif j’ai tellement envie d’y arriver que j’ai peur d’être trop focalié dessus, et d’être moins concentré sur les autres aspects du jeu. Je préfère arriver sur le terrain me posant le moins de question possible car je sais comment me sortir d’une situation alors j’évite de me mettre la pression. J’entre sur le terrain assez serein. Et je joue. Ça reste un jeu. Il ne faut pas l’oublier.
Avez-vous un régime alimentaire particulier ?
Non, nous n’avons pas de régime particulier hors saison, mais durant les saisons, ils font attention à ce que l’on mange. À la cantine, avant la saison, la nourriture est plutôt cool, et pendant la saison, ils privilégient plutôt les légumes, les fruits, le riz, les pâtes pour nous proposer une alimentation équilibrée.
Comment voyez-vous votre carrière dans les 2 années à venir ?
Pour l’instant je suis au lycée, donc dans 2 ans, je me vois à l’université en bourse, et dans 5 ans je me vois en NBA.
Quels sont vos objectifs à court terme ?
Je me suis donné 3 ans pour réussir à intégrer la NBA, j’aurais 21 ans. Mickael Jordan est arrivé en NBA à 21 ans. Je ne suis pas Jordan mais il m’inspire et 21 ans semble être le bon timing.
Avez-vous un plan B ?
Mon plan B c’est d’avoir un diplôme, de continuer mes études, obtenir la « graduation » de l’université pour pouvoir avoir un travail plus tard. Je ne sais pas encore quelle filière choisir, je dois commencer à y penser. Mais pour le moment je reste concentré sur le basket.
Avez-vous reçu des conseils et des encouragements de la part de votre oncle Dikembe Mutombo ? Comment jouer, comment vous placer ?
Oui je l’ai eu souvent au téléphone, il nous encourage mon frère et moi. Comme nous avons des postes de jeu différent, lui était plutôt un pivot alors que moi je suis meneur… tous les conseils sont bons à prendre mais je ne peux pas réellement m’assimiler à sa façon de jouer. C’est sur la discipline dans la gestion du corps et de la carrière qu’il insiste le plus.
Quels sont les pièges à éviter lorsque l’on arrive dans le milieu du basket, surtout aussi jeune, sachant qu’il y a pas mal de « requins » ?
Il faut éviter de se croire « arrivé » simplement parce qu’on est aux Etats-Unis, ne jamais se relâcher car c’est le plus grand des pièges. C’est la première chose que les directeurs d’école et les coachs remarquent, et si tu n’as plus la rage de vaincre, ils peuvent se passer de toi et prendre un américain à ta place. Ils te font confiance, et en gros tu les abandonnes.
Les gens peuvent aussi considérer que les filles sont un piège, mais je pense que si on sait faire la part des choses, ce n’est pas spécialement un piège, il faut simplement savoir se canaliser.
Vous vivez aux US mais vous êtes revenus temporairement en France après le confinement. Pouvez-vous nous raconter votre parcours durant cette période ? Comment avez-vous fait pour rejoindre la France sachant que les frontières se fermaient les unes après les autres ?
Pouvez-vous nous dire comment vous avez vécu cet épisode aux Etats-Unis ?
Les Etats-Unis ont fermé les frontières dans la nuit du 14 au 15 mars. Lorsque l’on a regardé sur le site internet, il ne restait plus qu’un seul vol qui était presque complet. Dans mon lycée on était 6 français à vouloir rentrer, mais il n’y avait pas de place pour tout le monde, c’est ce que le site affichait. Mon frère et moi avons contacté directement nos parents. Ils ont réagi très vite et ils nous ont pris tout de suite nos billets.
Nous avons montré nos billets à nos camarades pour qu’ils sachent quel vol choisir et avec un coup de chance, ils ont réussi à obtenir des billets, ce qui suppose qu’il y a dû y avoir des désistements. Finalement, nous avons tous réussi à prendre l’avion. Ça n’a pas été simple car c’était tout de même une course contre la montre car notre école était très loin de l’aéroport. Nous avons dû nous lever très tôt sachant qu’il faut 3 heures pour aller de l’école jusqu’à Manhattan.
Une fois arrivé à Manhattan, nous avons pris un bus, 1 heure de trajet pour arriver à l’aéroport, on est déjà à 4 heures de trajet, puis nous avons attendu environ 2 heures. A l’aéroport, nous avons constaté que c’était très compliqué, beaucoup de gens étaient stressés car ils voulaient eux aussi rentrer chez eux.
Au final, ça s’est bien passé dans l’avion. Ce qui a été le plus compliqué pour nous, c’est qu’avant de partir, Donald Trump avait fait une allocution pour faire savoir qu’il allait fermer les frontières, et ça a semé la panique dans nos esprits parce que l’on avait peur qu’il décide de fermer le frontière juste après son discours. Finalement, c’était le soir même, mais on peut dire que nous avons eu de la chance.
Si vous étiez resté sur place, que ce serait-il passé ?
Nous serions resté dans notre école, mais il faut savoir qu’elle est situé à New York dans l’épicentre de l’épidémie, ça aurait donc été encore plus stressant pour nous.
Paris aussi est l’épicentre de l’épidémie en France. Qu’avez-vous pensé du confinement ? Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
Oui, mais quand on est chez nous c’est toujours mieux (rires). J’ai des amis qui n’ont pas pu rentrer à ce moment, et qui ne sont revenu que la semaine dernière ou il y a deux semaines alors que nous, nous sommes rentrés en mars. Eux ont dû rester jusqu’à fin mai, début juin, pour eux c’était beaucoup plus difficile.
Au début c’était dur, car revenir chez soi pour rester enfermé ce n’est pas facile, mais en voyant comment ça a évolué, je trouve cela pas si mal. Ça permet à tout le monde de s’isoler, de prendre du recul. La nature se portait mieux sans nous, pour moi, il y a des points positifs.
Le point négatif : des gens ont perdu la vie. D’autres ont perdu leur travail. C’est vraiment triste.
Mais pour ma part, il y a eu plus de points positifs que négatifs.
Je me sens mieux aujourd’hui, le confinement s’est bien passé parce que j’étais chez moi et j’ai retrouvé ma petite routine assez rapidement.
Que veut dire le mot liberté pour vous ?
La liberté, c’est quand on peut faire ce que l’on veut, et c’est un mot que les gens emploient à la légère, car en réalité, nous avons une liberté limitée et je pense que c’est très rare de se sentir vraiment libre.
Que faîtes-vous pour vous évader ?
Pour m’évader, je reste avec ma famille car je m’y sens bien, j’aime aussi rester seul, écouter de la musique ou je fais aussi du basket pour décompresser.
Quelle est l’importance de la musique dans votre vie ou dans votre carrière ?
C’est très important car la musique me motive par exemple avant d’aller à un match, j’écoute toujours une musique qui me donne envie de jouer à fond. Dans les moments où je me sens triste, elle m’aide à rester positif et me sentir mieux. Ce n’est pas non plus indispensable car je peux la remplacer par autre chose, mais la musique reste importante pour moi.
Quelle importance accordez-vous aux réseaux sociaux ?
Personnellement, ce n’est pas du tout important. J’ai Instagram, Facebook et Snapchat mais c’est surtout pour regarder et suivre l’actualité, mais je ne suis pas du genre à poster ou très rarement. Je suis assez souvent dessus, je « like » et je « follow » beaucoup, mais je partage peu.
Quel est le pays qui vous ressemble le plus ?
Je ne sais pas comment répondre à cette question. La France est le pays dans lequel j’ai le plus vécu. Maintenant les US aussi. Je ne sais pas si ces deux pays me ressemblent mais y a du bon et du moins bon dans les deux.
Etes-vous déjà allé en Afrique ?
Non, mais je souhaite vraiment y aller car je veux raconter mon histoire et je sais que le Congo, terre d’origine de mon père, est un lieu très fort et sans même y être allé je me sens attaché ce pays, je suis sûr que c’est le bon chemin pour moi.
Père d’Axel : Il a une histoire qui est intéressante, comme moi qui suis congolais, sa mère est originaire de la Guadeloupe mais avec des origines allemandes, amérindienne et syrienne. Sa partie congolaise représente quand même 50%.
Que pensez-vous de la mort de Georges Floyd par violence policière ?
Je trouve cela dommage de devoir en arriver là pour que la population ouvre les yeux, car ça fait des années que la cohabitation entre noirs et blancs existe et je ne comprends pas pourquoi il y a encore du racisme. Je ne vois pas en quoi nous aurions quelque chose à prouver, pour moi, nous n’avons rien à prouver, nous sommes des êtres humains comme les autres.
Vous sentez-vous investi d’une mission ?
Oui, ma mission c’est de réussir dans la vie et pour moi il n’existe pas d’autre mission que la réussite car je souhaite me construire un bel avenir. Etre fière de moi et rendre ma famille fière.