L’origine n’a pas de sens pour moi, nous sommes tous des êtres humains sur la même planète….

 

 

 

Lamis, j’ai 23 ans et je suis syrienne

Que signifie votre prénom ?

C’est un mot en arabe qui veut dire « femme douce », et il y a peu de personnes qui portent ce nom il me semble.

Pouvez-vous vous décrire en quelques mots ?

Je profite de ma liberté, je fais absolument tout ce qui me passe par la tête, c’est la première fois que je fais ça. Quand je dis ça, vous n’avez peut-être pas idée de ce que je vivais avant mais je viens d’un endroit où, peu importe la personne, nous sommes privés de liberté. Depuis que je suis arrivée en France, je peux fumer des cigarettes dans la rue sans avoir peur par exemple. Je choisi ce que j’ai envie de faire, c’est ça ma liberté.

Au-delà de ça, que faites vous concrètement à Paris ?

A Paris, j’ai travaillé un peu partout en tant que serveuse dans des restaurants, bars et boites de nuit, et dans des cabarets pendant 2 ans. Maintenant je me suis posée, je fais des études de sciences sociales. Ça me plait mais j’ai un petit blocage au niveau de mes études parce que je ne parle pas encore bien le français. Je viens de terminer le premier semestre et c’était très dur pour moi, j’espère que l’année prochaine ça ira mieux. Mais ça me plait de faire des études car c’est important pour moi d’être instruite.

J’ai envie de faire deux ou trois licences, une en psychologie et une en math aussi parce que les mathématiques c’est mon truc ! Mon but n’est pas spécialement le travail, j’aime simplement apprendre et me cultiver dans les domaines qui m’intéressent.

En ce moment précis, nous sommes confinés alors je suis à la maison et je travaille mes cours, mais parfois je passe une semaine sans sortir et ça me rend très triste. 

J’essaie de trouver l’amour aussi. J’ai vécu une belle relation pendant 1 an et demi et ça s’est terminé.

Que rêviez-vous de faire quand vous étiez enfant ? 

Si l’on met de côté la psychologie et les maths, quand j’étais petite mon rêve était de faire du cinéma. J’envisageais de faire mes études dans le cinéma, mais je crois que c’est en partie à cause l’avis des gens autour de moi, a chaque fois que je parlais de cinéma, les avis étaient toujours négatifs alors ça m’a bloqué. J’ai toujours cette idée en tête mais je n’ai encore rien fait pour atteindre ce rêve.

C’était mon premier rêve. Je faisais du théâtre quand j’étais petite en Syrie. Je n’en fais plus depuis que je suis en France car je ne parle pas bien le français, ça ne fait pas très longtemps que je comprends bien et que j’arrive à parler. Je pense que j’avais peu de chance de réussir à intégrer un cours de théâtre, mais maintenant je commence à y repenser. 

Quel genre d’enfant étiez-vous ?

J’étais un enfant calme, qui pleurait souvent dans mon coin et je criais beaucoup. Je pleurais quand je n’avais pas la note que je voulais, et encore maintenant je suis une femme qui pleure beaucoup. Je suis perfectionniste et je m énerve facilement lorsque mon objectif n’est pas atteint. Petite, je pouvais pleurer ou crier pendant des heures pour avoir l’attention de mes parents.

Que pensez-vous de Paris et des parisiens ?

Quand j’étais enfant, pour moi Paris c’était comme un rêve impossible à réaliser. Et quand je me suis retrouvée à Paris il y a 2 ans, j’étais déçue, j’étais très déçue parce que je me suis rendu compte qu’entre les rêves et la réalité il y a une grande différence ! L’idée que je me faisais de Paris était complètement différente mais seulement au début c’est-à-dire qu’une fois que j’ai découvert cette ville, j’ai trouvé tous les petits délices de Paris et, aujourd’hui, j’en suis amoureuse.

Quand avez-vous décidé de ne plus faire de cinéma et de préférer faire des études ?

Ce n’était pas vraiment un choix, je suis arrivée à un moment ou je devais faire quelque chose de ma vie, alors j’ai opté pour les études. Elles m’intéressent mais ce n’était pas mon premier choix, et je garde le cinéma pour un peu plus tard.

Quel est l’art qui vous intéresse le plus ?

C’est la danse. Plus petite j’aimais déjà la danse mais je n’étais pas à l’aise pour danser devant un public, j’étais timide. Aujourd’hui, je me sens bien, j’ai simplement besoin d’entendre de la musique et je peux danser n’importe où devant n’importe qui.

Etes-vous une femme ambitieuse ?

Je ne me vois pas travailler pour quelqu’un. Même si je mets en place un tout petit projet, j’ai envie d’être ma propre patronne. J’ai déjà beaucoup d’idées de projets, dont certains que je suis sûre de pouvoir réaliser, mais je préfère ne pas en parler.

Est-ce que vous travaillez beaucoup vos cours pour vos études ?

Oui, mais ça dépend quel cours, si on parle de physique et de maths, car les math pour moi c’est juste un plaisir. Je retiens facilement les cours, je n’ai pas besoin de réviser et ce n’est pas du tout une question de mémoire mais c’est vraiment grâce au plaisir que j’ai à faire des mathématiques. 

Lorsque j’ai un cours, je fais mes exercices tout de suite pour être sûre d’avoir bien compris, je suis donc toujours prête pour les examens. J’ai 23 ans maintenant et je réalise que je n’ai jamais eu peur de passer un examen, je ne tremble jamais devant les maths. J’ai déjà passé deux examens, et j’ai obtenu 20/20 les deux fois. Mais c’est la seule matière dans laquelle je suis autant à l’aise.

Comment avez-vous réussi à intégrer l’école dans laquelle vous êtes ?

C’est grâce un ami qui était dans cette école l’année dernière et qui m’en avait parler. Et il m’a dit que l’école souhaitait recruter 20 étudiants étrangers. Mon ami m’a encouragé à donner mon CV ainsi qu’une lettre de motivation. Et je l’ai fait, j’ai parlé de mes expériences en communication, en politique en Turquie, dans la presse, etc. Il y avait 260 personnes pour 20 places te je fais partie des 20 personnes retenues, je suis fière de moi !  D’ailleurs, c’est étrange, Il n’y a que 40% de français dans cette école.

C’est normal car les français tiennent pour acquis le fait d’avoir accès aux études alors ils ne s’intéressent pas autant à leurs études qu’un étranger qui doit se battre pour réussir.

Peut-être oui, c’est comme pour la liberté, ici les gens ne se rendent pas réellement compte de sa valeur. Moi j’en connais la valeur parce que je n’y avais pas accès avant et il y avait vraiment de l’insécurité car j’ai connu la guerre.

(Je n’avais jamais fait de cauchemar avant, mais j’en fais depuis la mort de mon frère en janvier 2020.) 

Comptez-vous retourner en Syrie un jour ?

Non parce qu’il n’y a pas vraiment de sens à cela, même si je suis Syrienne, je ne pense pas y retourner. Si tu n’as rien qui te rattacher à dans ton pays, rien pour vivre, pas de quoi être fière de soi, je ne vois pas l’intérêt. L’origine n’a pas de sens pour moi, nous sommes tous des êtres humains sur la même planète. Il existe des problèmes entre les peuples à cause de différences de langage, de coutumes, etc., tout ça ne m’intéresse pas.

Que signifie le mot liberté pour vous ?

Aujourd’hui ce mot a une valeur différente. Chez nous, la politique est faite pour ne rechercher que sa liberté personnelle c’est-à-dire avoir de quoi manger, s’habiller, se demander où l’on va sortir, c’est uniquement fait pour qu’on ne puisse pas avoir le temps de penser à autre chose.

Maintenant, depuis que je suis en France, c’est différent car ma liberté n’est plus seulement centrée sur mes besoins primaires. Je recherche la vraie liberté, celle qui concerne tout le monde. Par exemple, c’est étrange pour moi de savoir qu’il y a des frontières et qu’il faut des papiers pour se rendre dans tel ou tel pays. Je ne trouve pas ça normal de ne pas pouvoir circuler librement dans le monde sachant que cette planète n’appartient à personne en particulier.

La liberté ne consiste pas uniquement à pouvoir dire et faire ce qu’on veut, c’est surtout lorsqu’on ne nous dit pas quoi faire et qu’on nous laisse faire et penser comme on le souhaite.

Mon but, si je pouvais faire quelque chose de significatif pour la liberté dans le monde, serait un projet qui concerne tous les peuples, et pas seulement les syriens. C’est pour cela que je ne souhaite pas particulièrement retourner là-bas car ça n’aurait pas de sens pour moi de ne sauver que « mon peuple ».

Etes-vous militante ?

Non, je trouve ça difficile d’avoir le courage de prendre la parole devant une foule, ce n’est pas donné à tout le monde, et je n’ai pas forcément les moyens de me faire entendre. Par ailleurs, si l’on parle des personnes autour de moi et de mon engagement, on peut dire que je suis militante. J’ai du mal à simplement « fermer ma gueule » lorsque je vois quelque chose d’anormal sous mes yeux.

Un jour, j’ai vu un homme, et une femme qui criaient dans la rue « laisse moi partir », je suis donc allée parler avec l’homme. Il était 4 heures du matin, j’ai demandé à ce monsieur de partir, je l’ai menacé d’appeler la police s’il ne laissait pas la femme tranquille. Je sais qu’il y a beaucoup de gens qui, lorsqu’ils voient ce genre de scène préfèrent tourner les yeux. Moi, je ne pouvais pas passer mon chemin sans aider la femme, c’est la moindre des choses.

C’est grâce à mon père que je suis comme ça, car il m’a appris à ne jamais accepter ce genre de comportement.

 Que faites-vous pour vous évader ?

Je fais en général deux choses : 

Lorsque je me sens mal, je m’enferme chez moi et je reste seule un moment, mais vraiment toute seule sans téléphone, sans parler à personne.

Lorsque je suis vraiment au fond du trou, je préfère la technique d’être sans arrêt occupée, je rempli mes journées, je parle à tout le monde, même dans la rue, dans les bars. Pour fuir les problèmes et me remplir la tête avec les rencontres, les discussions, les sorties, etc. Généralement, ça ne fonctionne pas complètement, mais au moins je pense à autre chose.

Que pensez-vous des réseaux sociaux ?

Il y a beaucoup de choses qui sont bien, dans l’ensemble c’est bien. Mais je trouve que ça enferme trop certaines personnes. Moi qui suis une sociable, j’aime trop sortir, rencontrer et rigoler avec tout le monde. Mais j’ai l’impression que les gens deviennent froids et fermés, ils sont trop sur leurs téléphones, c’est trop triste. S’il n’y avait pas les médias sociaux, on serait plus ensemble en réalité.

Imaginez si on coupait internet en France pendant 1 mois, vous imaginez tout ce qu’on pourrait faire pendant ce temps là ! Tout le monde serait dehors à se parler et j’adore discuter avec les gens. Je déteste faire des connaissances à distance ou discuter par sms, c’est désagréable, surtout quand on a une vraie conversation. C’est mieux de se voir en face to face pour se sentir vivant.

Par conséquent, c’est bien d’un côté, car c’est utile dans certaines circonstances, mais sinon c’est moche car on fait des réunions en vidéo conférence, on se voit à distance et je trouve ça triste car ça manque de contact.

Que pensez-vous des sites de rencontres ?

Je trouve ça bien seulement pour des situations spéciales car il y a des personnes timides qui ont du mal à faire connaissance facilement. Il y a aussi d’autres situation où c’est utile, mais ce n’est pas nécessaire pour tout le monde.

Mais il ne faut jamais voir ce type de sites comme la seule façon de rencontrer quelqu’un. Avant quand les bars étaient encore ouverts, quand j’étais seule, je sortais quand même et j’entrais dans une boite et je réussissais à me trouver quelqu’un. Il n’y a pas besoin d’internet pour ça.

Quel est le secret de longévité en couple selon vous ?

Il y a beaucoup de choses qui maintiennent un couple, mais ce qui est le plus important c’est de réussir à parler de tout avec sa ou son compagnon, sans complexe, il faut vraiment que les deux personnes soient complices. Sans cela, ça ne tient pas. On devrait même pouvoir confier à sa moitié qu’on a trouvé une autre personne à son gout, pouvoir exprimer tous ses sentiments les bons comme les mauvais.

Il ne faut pas garder les choses pour soit, car avec l’accumulation des années, les petits détails deviennent de gros problèmes que l’on ne supporte plus et c’est comme ça qu’on explose, et c’est dommage !

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué quand vous êtes arrivée à Paris ?

J’ai remarqué que les gens à Paris pouvaient vous adresser la parole facilement, et je n’avais encore jamais vu ça même dans d’autres capitales. J’aime l’idée que je puisse parler avec n’importe qui dans la rue, ou que des gens viennent vers moi pour faire connaissance. Les parisiens sont des gens ouverts, ils sont cool !

On dit que Paris est la capitale de l’amour, qu’en pensez-vous ?

Je pense que l’amour est partout, il n’est pas juste à Paris, mais c’est une ville très ancienne qui a vu passer beaucoup d’histoires d’amour. Et moi je crois à l’énergie, je la ressens et du coup l’énergie d’amour est plus forte à Paris et plus claire. Mais pour moi l’amour est partout, toutes les villes du monde sont des villes de l’amour.

Quels souvenirs gardez-vous de la première fois que vous avez habitée seule ?

C’était bien, mais j’avais passé quelques mois à être vraiment flippée de rester seule, il y avait tout le temps quelqu’un à la maison. Quand je suis seule, dès que j’entends un bruit, je me lève pour vérifier que je suis bien seule et ça me fait du bien d’être rassurée… et je peux faire ça plusieurs fois dans la soirée (rires).

Est-ce que vous aimiez aller au musée ?

Il y a quelques musées que j’ai envie de visiter mais pour le moment à par le Louvre, je n’ai pas eu l’occasion d’en visiter d’autres. Mais quand je venais d’arriver à Paris je travaillais tout le temps, il y avait même certains mois ou j’avais deux boulots en même temps, je travaillais 15 heures. Donc je n’ai pas eu la possibilité de le faire mais j’aime les musées.

Quels sont vos objectifs à courts terme ?

Pour les 2 prochaines années, je suis sûre d’être en train de terminer mon concours de Sciences Politiques. Pour le mois prochain, ça serait de voyager, je veux aller voir ma mère, puis passer en Allemagne, et je veux aller aussi à Amsterdam. Ensuite je reprendrais l’école le 18 janvier mais avant ça, je veux voyager et faire la fête.

Je veux en profiter un peut car je suis contente d’avoir terminer le premier semestre avec de bonnes notes.

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