L’inceste est un problème international qui touche tous les cont…

 

Paulina Nzinga, 33, originaire d’Angola 

Quel est votre parcours ?

J’ai un parcours assez atypique. J’ai commencé en tant que serveuse, puis j’ai été femme de chambre dans un hôtel. Ensuite j’ai fait des études d’électro technique et j’ai commencé par un BEP, j’ai fait un bac STI et un BTS électro-technique en alternance puis j’ai fini au CNAM dans le même secteur.

Quel était votre rêve avant de vous lancer dans tout ça ?

Depuis petite je rêvais d’être entrepreneuse et quand j’étais en Afrique, je vendais des bananes, des patates pour gagner de l’argent. Mais quand je suis arrivée en France au début je voulais devenir infirmière car j’ai toujours aimé le contact avec les gens, aider les gens car j’ai toujours été touchées par les personnes qui sont dans le besoin, j’ai ça dans le sang. 

Mais j’ai été ralenti par la barrière de la langue, c’est ce qui m’a conduit à me tourner vers l’électro technique, mais je ne regrette pas du tout car il fallait que je passe par là pour comprendre certaines choses.

Quel genre d’enfant été Paulina ?

Je n’ai pas vraiment eu d’enfance. J’ai grandi trop vite car dès l’âge de 7 ans jusqu’à 10 ans je devais défendre ma mère parce que mon beau-père la battait, j’étais devenue la porte-parole de ma mère. On peut dire que je n’ai pas été élevée par mes parents parce que je suis restée pendant 1 an seulement avec ma mère puis après j’ai été baladée à droite à gauche, chez le grand-père, l’oncle, etc. Mais encore une fois je n’ai pas de regret car tout cela fait de moi la Paulina que je suis aujourd’hui.

De quel pays êtes-vous originaire ? Quel est votre projet en France ?

Je suis angolaise. Mon projet ici, c’est de réussir ce que j’ai commencé mais en tant qu’entrepreneuse. Une fois que je serais au sommet, je souhaite construire un centre commercial au Ghana dans lequel je pourrais mettre tous les artisans qui ont du mal à se faire connaitre et concurrencer les marchés occidentaux. Je voudrais leur offrir une place au prix du marché car ça me fait de la peine de voir des personnes qui donnent leur énergie pour fabriquer de bons produits et qui n’arrivent pas à s’en sortir parce qu’ils vendent leur production à la moitié de sa valeur.

Mon rêve se trouve en Afrique, je n’ai pas vraiment de rêve en France car je suis venue ici pour observer et apprendre des choses que je n’aurais pas pu apprendre en Afrique. Mais un jour où l’autre il faudra bien que je retourne sur la terre de mes ancêtres, je ne suis pas venue en France pour m’installer.

Ce que je souhaite entreprendre c’est d’échanger des marchandises africaines avec la France ou d’autres pays. A Château Rouge j’ai remarqué que les commerçants étaient focalisés sur le wax et comme ce marché est déjà pris par les Hollandais, les africains n’arrivent pas à se démarquer au niveau international. 

Ce que je constate c’est que les artisans qui pourraient nous permettre de nous démarquer sont laissés de côtés et c’est cette cible qui m’intéresse, c’est ça mon projet à long terme.

Quel a été le déclic qui vous a poussé à penser à ce projet ?

Depuis mon enfance j’ai envie d’entreprendre, mais en arrivant ici je ne savais pas réellement dans quelle voie me lancer, jusqu’au jour où j’ai porté une paire de sandales que j’avais apporter d’Afrique et j’ai vu les réactions dans le métro et dans la rue. Il y a ceux qui me regardaient longuement, ceux qui sont venus directement me demander où j’avais pu m’acheter cette paire de sandales. C’est ce jour que j’ai eu le déclic pour mon projet : mettre en valeur les productions de mon continent car il y a beaucoup de perles à découvrir en provenance d’Afrique.

Vous déplacez-vous beaucoup par rapport à votre activité ?

Oui je me déplace, par exemple en Tanzanie ou au Kenya, je vais à l’hôtel car je ne connais personne puis je commence à me renseigner pour savoir où trouver les marchés et connaitre les différentes productions artisanales du pays et voir ce que je peux ramener comme produits intéressant ici.

Quel budget avez-vous pour réaliser les voyages (les achats, la douane, etc.) ?

J’ai besoin de 3000 euros.

Que peut-on vous souhaiter pour votre projet ?

J’ai besoin d’encouragements car parfois je suis démoralisée, j’ai peur de ne pas y arriver ! Mais je pense toujours à ma grand-mère qui disait « le plus important ce n’est pas tomber, c’est de savoir se relever ».

Quand j’ai travaillé dans l’électricité j’ai eu de bons postes, j’avais tout fait pour travailler chez EDF. J’étais bien payée car j’ai fourni beaucoup d’effort et j’avais un certain confort. Mais je me disais « pourquoi aller chercher des ennuis alors que je suis bien payée en tant que salariée ? ». Mais j’ai préféré aller chercher les ennuis car toute cette énergie que je donnais à EDF n’étais pas employée pour ma propre entreprise. Malgré l’inconfort que je vis aujourd’hui, je suis satisfaite car ce sont des épreuves qui m’ont fait grandir.

Qu’est-ce que ça t’inspire le fait de devenir ton propre patron ?

Ça me fait grandir… Je n’ai jamais eu une vie facile, j’ai toujours été seule et j’ai toujours eu des galères et ça me permet de ne mieux surmonter les difficultés, pour moi c’est la routine, c’est la vie ! Le fait de ne jamais avoir eu d’aide, ça me sert aujourd’hui, ça me rend très fière de moi-même. J’espère que je serais une inspiration pour toute personne qui aurait peur d’avancer seule.

Avez-vous vécu tout cela comme une grande souffrance ?

Non, ce n’était pas une souffrance insoutenable, je n’étais pas à la rue. Quand je parle de souffrance, je parle de ma solitude, d’avoir toujours dû faire mes tous mes choix sans l’aide de personne pour me proposer des idées par exemple. 

Ce n’est peut-être pas évident mais je préfère avancer seule car une autre personne pourrait représenter plus de problèmes. Ça me prendra surement du temps, mais au moins je sais où je vais.

Quels sont les pièges à éviter, ou les stratégies qu’il faut suivre pour réussir votre entreprenariat ?

Le piège à éviter c’est de confier sont entreprise à quelqu’un. A l’époque où j’étais encore chez EDF, j’ai débuté mon activité en 2018 en faisant mon premier voyage en Afrique (Kenya) pour aller chercher de la marchandise. Je recherchais des gens qui pouvaient me proposer de bons prix. Mais comme une amatrice, j’ai donc confié tout mes espoirs à une connaissance de mon père, du coup je ne savais pas du tout ce qu’il se passait. La personne a mis 1 an pour faire mon site internet et quand il m’a enfin montré le site, il était blanc et il ne m’a jamais passé le relai pour que je puisse le gérer ! Mais à priori ce n’étais pas lui qui faisait le site mais il devait se charger de trouver quelqu’un pour le créer.

Une fois que j’ai quitté EDF, j’ai décidé de prendre mon entreprise en main et lorsque j’ai récupéré le site, il était blanc (vide) et l’adresse était fausse. Par conséquent, j’ai dû tout recommencer et c’est comme ça que je me suis rendu compte qu’il me devait 6 000 euros que je n’ai pas encore récupérer actuellement. C’est pour cette raison que mon premier conseil est de bien choisir son entourage.

Concernant la stratégie, pour le moment je n’en n’ai pas vraiment. J’en essaie une et si elle ne fonctionne pas, je passe à la suivante.

Comment faites-vous pour évacuer le stress ?

Quand ça ne va pas, j’ai tendance à mettre de la musique et je commence à danser (rire).

Je me dis « si tu as survécu à la maltraitance, à un viol et que tu as surmonté ça, tu peux surmonter tous tes problèmes ! » Ce n’est pas que je prends ça à la légère mais je me dis que si je m’apitoie sur mon sort, c’est mort je n’avancerais plus, ça ne ferait que me retarder dans ma vie. Parce que la personne qui m’a fait ça vit sa vie normalement alors que moi je serais restée bloquée sur ce traumatisme. Je sais juste que c’est arrivé, ok, et ça arrive à d’autres aussi, mais le mieux que je puisse faire, c’est de continuer et de me construire pour atteindre un niveau par lequel je pourrais protéger les enfants pour leur éviter ce type de maltraitance.

Comment ces maltraitances vous sont arrivées ?

C’est arrivé parce que ma mère  na  pas eu le courage de m’élever alors elle  ma confié à mon père quelqu’un en qui elle avait totale  confiance, mais elle n’auraient pas dû.

Ça s’est passé quand j’étais au pays, je devais avoir 5 ans, et aussi en France où il y a eu des attouchements sexuels par mon père dont je dépendais donc  j’étais obligée de me taire parce que je ne connaissais pas du tout le pays, je ne savais ni où aller, ni à qui m’adresser. J’ai quand même fini par prendre mon indépendance et aujourd’hui je continue ma vie et je suis heureuse.

Aujourd’hui vous pouvez toujours aller voir la police…

Je préfère laisser ça derrière moi, il vaut mieux ignorer cette personne qui n’est plus dans ma vie et devenir quelqu’un d’important. Il faut savoir que ce type d’hommes sont des grands manipulateurs, ils vous usent moralement, s’ils atteignent leur but, ils sont satisfaits (d’ailleurs à un moment je ne faisais que pleurer). Mais si cet homme me voit un jour au sommet, il verra qu’il a peut-être abusé de ma personne, mais il n’a pas réussi à me voler ma vie ! Je vais persévérer, et le jour où il verra ça, ce ne sera pas moi qui me sentirais mal, c’est lui !

D’ailleurs, je ne pense pas que tous les hommes soient mauvais, heureusement ! Je pense que l’inceste est de toute façon un problème international qui touche tous les continents  du monde : L’Europe, Les Etat-unis, L’Asie, L’Amerique Latine et L’Afrique. Le problème  c’est que c’est un tabou absolue et ce tabou est très fort en Afrique.

Je me rends compte que je suis décalée par rapport aux hommes que je rencontre c’est-à-dire que j’aime sortir et aller parfois en boite de nuit, mais lorsque j’ai une obligation, j’ai besoin de me concentrer. Les hommes que je rencontre sont souvent uniquement intéressés par les sorties pour boire, danser et ne penser à rien. Ça ne m’intéresse pas ce mode de vie parce que j’aurais envie de les pousser vers le haut, mais si je fais ça, ça me ralentira dans mes projets.

Quels sont vos objectifs à court terme ?

Passer mon permis et faire des enfants ? Pour le moment je suis seule, mais si je rencontre quelqu’un d’ici l’année prochaine et que ça fonctionne, j’essaierais. Mai sinon, il y a différents moyens d’avoir des enfants de nos jours, je pourrais me diriger vers les banques de spermes. J’ai envie d’avoir des enfants et je sais que je pourrais leur donner l’amour qu’il leur faut, c’est le plus important pour moi. Être avec un homme c’est accessoire.

Que signifie le mot liberté pour vous ?

Pour moi la liberté c’est personnel. Mais je crois quand même que quand on se trouve en bas du système, la liberté n’existe pas, il faut savoir se la créer pour se libérer de l’emprisonnement.

Vous sentez-vous libre ?

Non pas vraiment car si l’on suit le système, il faudrait que je fasse des études, que je me trouve un mari et que je fasse des enfants. Moi je n’ai pas envie de faire tout ce que m’impose le système, j’ai plutôt envie de sortir du système, c’est ça ma liberté !

Quel est le rôle de la musique dans votre vie ?

J’écoute de la musique tous les jours, et quand j’ai envie de me défouler j’écoute de la musique pour danser. Mais en général je préfère les chansons qui racontent une histoire, dans lesquelles je me reconnais et qui me donnent envie d’aller de l’avance, de la musique motivante quoi !

Quel est l’artiste qui vous a le plus influencé ?

Mickael Jackson car son histoire m’a touché et c’est l’une des célébrités dont j’ai suivi la carrière et ce que ça montre c’est que si tu travaille dur, tu finis toujours par arriver au sommet même si ça prend du temps.

Qu’avez-vous ressenti la première fois que vous avez gagné votre premier salaire ?

Quand j’ai eu mon premier salaire, j’ai ressenti de la liberté. J’ai aussi ressenti de la douleur parce que j’ai déjà travaillé en tant que femme de ménage pour 10 euros par mois et le jour où j’ai eu un vrai Salaire, ça m’a fait de la peine de savoir que des gens qui travaillent pour ne gagner que 10 euros par mois, et c’est tellement fatiguant !

Comment avez-vous vécu votre arrivée en France ?

Je vis chaque moment de ma vie comme un moment qui sera très important pour mon avenir. J’ai appris à voir comment on nous traitait ici chez eux (en Europe), et comment nous les traitons chez nous (en Afrique), et j’ai compris que nous on les traitait comme des personnes importantes alors que quand nous arrivons ici nous sommes traités comme de la M****. En Angola on a cette impression que l’homme blanc est supérieur à tout et à tout le monde, mais en arrivant en France j’ai compris que la réalité était bien différente et j’ai eu comme un déclic sur le fait de ne pas m’attarder en France.

Est-ce que vous conseilleriez à vos frères et sœurs ou cousins et cousines de venir travailler en Europe ?

Je leur conseille plutôt de rester travailler au pays, et de voyager en Europe uniquement pour le tourisme et pour observer le fonctionnement de ces pays, voir comment ils nous traitent. Mais en Angola ils ne veulent pas m’écouter et ne me croient pas. En fait, en Afrique il y a un grand potentiel, mais les populations ne savent pas comment en tirer profit.

Qu’avez-vous ressenti la première fois que vous avez habitée seule ?

Je devais avoir 14 ans quand je suis arrivée chez mon père et  j’ai pu partir après 8 années passées chez  lui, j’ai pris une chambre en collocation. J’ai ressenti une grande liberté, je n’avais plus à subir des attouchements sexuel, plus personne pour me commander et j’ai dû m’assumer toute seule.

 Pendant mes études, j’ai dû tout arrêter à un moment parce que je devais payer ma chambre et je n’avais pas les moyens, j’ai été obligée de chercher du travail.

Mais bon, tous ces coups durs m’ont rendue plus forte et font de moi la personne que je suis aujourd’hui. Mon concept c’est de ne regretter aucun moment, qu’il soit joyeux ou triste. Je me dis que je devais sûrement passer par là pour grandir, avancer et devenir la personne que je suis actuellement. 

Mon naturel est d’être une personne joyeuse, alors j’essaie de garder ma joie en toutes circonstances. En revanche je suis une personne pragmatique et lorsque j’ai quelque chose à dire, je ne passe pas par quatre chemins… et c’est ça mon grand problème !

Quels souvenirs gardez-vous de la première fois que vous êtes tombée amoureuse ?

Je n’ai pas vraiment eu d’occasion de vivre une relation avec les personnes dont je suis tombée amoureuse. J’ai plus vécu des amourettes quand j’étais petite fille. J’étais tombée amoureuse d’un tombeur de jupons, toutes les filles lui courraient après et moi du haut de mes 11 ans, je rêvais de lui aussi  (rire)… j’en garde un bon souvenir.

Je n’ai jamais réussi à être folle amoureuse d’un homme, je l’apprécie mais je ne me donnerais jamais à 100% à quelqu’un, j’aurais toujours un pied dedans et un pied à l’extérieur. Ce n’est pas que j’ai peur de m’investir mais je suis très observatrice, trop peut-être. Si en observant la personne je vois qu’on est compatible, je pourrais lui donner mon cœur, mais je ne donnerais pas mon cœur à une personne qui ne compte l’emmener nulle part.

Selon vous, quel est le secret de longévité d’un couple ?

Je pense qu’il faut être complémentaire c’est-à-dire que les tâches quotidiennes soient partagées, de l’entre-aide en cas de difficultés, de la communication, éviter les rapports de supériorité, et savoir demander pardon à l’autre en cas de dispute.

Que pensez-vous d’internet et des réseaux sociaux ?

Ça dépend, c’est mal dans le sens où on ne retrouve plus le côté familial ou convivial entre être humain car tout le monde est scotché sur son téléphone. 

C’est bien pour le monde de l’entreprise parce qu’avant il fallait aller démarcher pour trouver des partenariats. De nos jours, grâce aux réseaux sociaux je peux trouver plus facilement des partenaires en Afrique. 

Le bien ou le mal se site surtout au niveau de la raison pour laquelle on utilise les réseaux sociaux ou internet.

Qui est Paulina aujourd’hui ?

Je crois qu’il y a plusieurs Paulina en moi : il y a la Paulina entrepreneuse, la Paulina qui veut vivre, la battante, celle qui a envie d’être à la portée de tout le monde pour leur apporter son aide.

Comment vous voyez-vous dans 10 ans ?

Dans 10 ans je virais dans mon palace avec mes enfants. Je voyagerais pour découvrir l’Afrique, j’aimerais profiter de la vie, de mon entreprise, de mes enfants, c’est comme cela que je vois l’avenir.

Fréquentez-vous les musées ?

Je suis allée visiter des musées lors de voyages scolaires mais je ne m’y intéressais pas trop. Par la suite, j’ai eu envie de mieux connaitre la vraie l’histoire de mon continent d’origine et je me suis rendu compte qu’en France ce n’était pas la vraie histoire qui était racontée. 

En revanche, les musées de France contiennent pas mal d’œuvres africaines (au Louvres par exemple) et si je n’avais pas vue la vidéo d’une visite filmée sur internet, je ne me serais jamais rendu compte de tout l’art Africains que ces musées français conservent.

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